une
femme se dresse pour cueillir une mangue et je noie un chien dans la
baignoire, l'odeur me colle aux doigts pendant des jours, et l'image de
ses yeux
l'image
de la détresse couchée sur un lit, elle s'était attachée à moi, je
suis plein de promesses, je sais que je mens
l'amour
est fait de sueur et de silences
il
n'y a pas de différence entre une femme et moi, il n'y a pas de femme
dans ma différence
il
y a longtemps qu'il n'y a plus d'eau, je me mouille un peu la nuit avec
une théière, je me suis savonné il y a quatre mois
je
sais que je suis malade
j'ai
planifié la trahison, tout mis en place, tout joué, tout menti, et
j'ai eu peur à mon tour quand elle mentait ou qu'elle voulait rester ou
qu'elle voulait partir son balluchon sur la tête à pied dans la ville,
qu'elle passait la grille et qu'elle revenait le soir pour demander
l'asile, pour exiger l'asile
quand
elle me disait Je t'aime, je la serrais contre moi pour lui dire Mais
non, ce n'est rien, ça passera, ne t'inquiète pas
l'amour
la submergeait d'urgences, et elle mettait toute sa patience, toute sa
malice à m'attirer vers elle, et lentement j'avançais, je basculais,
je faisais ma métamorphose et je faisais mes plans
tu
joues avec moi, je joue avec toi, mais mon jeu est cruel
nous
sommes au bord de la piscine, elle est vide, nous regardons quelques
crapauds qui sèchent là, personne ne bouge, nous les arrosons, ça
fait un bruit de parchemin, ça résonne dans la piscine, ils ne bougent
pas, c'est le peu d'eau qui nous reste
nous
sommes au bord de la piscine assis sur des coussins
la
piscine est pleine, elle s'évapore lentement, l'eau est devenue verte
j'attrape
des têtards avec une passoire, il y en a des milliers, je les mets dans
un bol, ils tournent, ils tournent, et je les jette dans l'eau
il
fait chaud
le
vent nous exténue, il y a du sable partout, ses cheveux sont bruns de
sable, les miens sont gris
les
parasites me rendent la peau chaque jour un peu plus grise
elle
ne remarque rien, ni mes yeux ni ma peau, elle me dit de manger, elle se
fait des lavements
je
vais mieux déjà, je suis maigre et gris mais je vais mieux, la sueur
me fait briller la peau
(...)
Juin
(...)
pour
obtenir d'autres aveux
que
d'autres choses nous viennent à la bouche que notre bouche apprenne
d'autres salives
que
d'autres goûts soient faits d'autres odeurs et d'autres images d'autres
traits et que tout redevienne nouveau
que
tout redevienne espoir et jeunesse et sexe ouvert sur tout ce qui a sexe
et que tu redeviennes toi et moi, qu'ensemble nous soyons toi, souvenirs
et fuites soirées en tailleur amour sans mot d'amour
que
nous soyons amour sans mot d'amour
(...)
Octobre
(...)
ciel
singe eczéma sauvé
ciel
suite insane grattage cerveau caduc
serf
de mon serf
choses
qui se décident et s'oublient
l'eczéma
gratter gratter entre les draps, se réveille de nuit grattant grattant
des ongles et se retourne se glisse la main entre les cuisses et se
rendort et ça recommence
quelques
minutes grattage à nouveau se réveille encore, se place au milieu des
rêves et n'oublie plus rien
songe
de Rabat, ce que j'ai décidé
pleine
nuit cette odeur le poursuit encore, et l'allergie aux draps et cette
douleur dans l'aine, les bulbes qui croissent, la toux, le souffle pris,
ne craignant plus de mourir, prêt à tout ce soir s'il le faut, ce soir
si je pouvais le vouloir
se
retourne et s'endort encore
songe
de Rabat, le singe qui se pend à mon épaule et de ses bras trop longs
balance, balance en criant
l'autre
vient, plus grand ce soir, plus noir encore, se penche sur nous le rouge
au visage et je dis que non
je
réponds non à toutes les choses qu'on me dit
un
chien qui crie aussi, un passant peut-être dans une rue voisine, je ne
peux plus, je décide alors qu'il est temps de fuir, je comprends alors
qu'il faut autre chose à l'avenir, que la fin sera un centre, je ne
peux plus, la chose noire se penche sur moi, il y a des reproches qui
bavent, il y a de la fureur
c'est
mon indifférence à la fin qui va gagner je le sais
le
dard qui se penche sur moi, mon propre dard
serf
de mon serf
se
retourne et s'endort encore
ces
seules choses de la nuit, le rêve oublié, quelque chose qui descend
lentement vers sa fin, je le sais
tout
ce que je sais, tout ce que je sais
ce
que je crois savoir
maintenant
qu'il est clair qu'elle ne viendra plus
(...)
Décembre
(...)
Passionnément
repue sans l'ombre d'un souvenir. Elle me regarde et je sais qu'elle me
voit. Elle jaunit peu à peu dans la moiteur des draps; je crois qu'elle
se modèle à la chair sans image.
Il
y a des hôtels de folie, des rideaux bruns et jaunes, je sais qu'ils
sont bruns, je sais qu'ils sont jaunes, je sais où et je sais quand, je
ne crois plus: je sais.
Et
la nuit nous veut grands, le sang nous veut noir et le noir nous veut
nacre luisant au soleil. Et le soleil aussi nous veut quelque chose.
L'anisette
qui coule.
Les
instants que je voudrais cachés, les instants qui renaissent et
murmurent et m'abaissent.
Et
le temps qui n'efface rien.
La
brume.
Il
y avait la brume ici et ailleurs le soleil au-delà du froid et il y
avait les gens que nous étions alors, l'avenir de fuir au sud, les
phrases où manque le verbe, le verbe où tout nous manque et le fait
que l'avenir à nouveau nous ait pris dos à dos, redéchirés,
reséparés, resacrifiés.
L'heure
du soir est l'heure du conte, le matin l'heure du poème.
Et
mes jours sont faits d'ivoires et de satins, mes matins d'ivoire et mes
soirs de matin - et tout de qui chante était autant d'injures et les
injures comme des intrigues, et les intrigues au matin bleu ma mère
Oublie,
oublie.
M'a
lâché, je sais, je pleure.
Et
sois en moi comme une éternité qui m'ait fait mal, oui mal, j'ai déjà
dit: comme la mort qui monte. Je sais tu sais. Encore une fois un peu
d'avenir de cassé, un jeu de folies à rideaux bruns et jaunes où tu
roulais repue pour moi, et je ne sais plus de quoi je pleure.
(...)